Draguer, flirter, courtiser, fricoter ; à chaque époque, sa terminologie. Si l’envie de trouver un partenaire ne date pas d’hier ; le stratagème mis en place, lui, n’a pas cessé d’évoluer. Rétrospective sur l’art de séduire.
Le dictionnaire Larousse définit la séduction comme une « action, fait de séduire quelqu’un, de l’attirer irrésistiblement, de le charmer par un pouvoir plus ou moins indéfinissable ». Dans l’Antiquité, les prêtres égyptiens utilisent le parfum pour arriver à leurs fins en brûlant des bois et des résines odorantes. Bien que l’objet de la convoitise ne prenne pas la forme de courbes féminines, ils sortent le grand jeu pour s’attirer les faveurs des dieux.
À Rome, on dit que les riches femmes s’arrachent à prix d’or la sueur des gladiateurs pour s’en asperger quelques gouttes et faire fondre le cœur de la gente masculine. Mais à cette époque, la séduction est plutôt une affaire d’hommes. Pour établir le contact en toute discrétion, ils font du pied sous la table ou lancent une œillade en coin. Ce n’est sans compter l’aide d’Ovide qui publie le premier guide de la drague, intitulé L’Art d’Aimer, dans lequel il privilégie les cirques ou les théâtres comme lieux de rencontre et de séduction. Il remarque également que « les vapeurs nuisibles du vin » aiderait la belle à succomber aux « tendres discours » de l’homme amouraché.
Au Moyen-Âge, la société reposant sur une hiérarchie bien installée, se soumettre à sa dame devient une marque d’attention ultime. Pour prouver sa force et sa détermination à trouver descendance, le chevalier n’hésite pas à se battre à coups d’épée forgée ou de lance en bois et ainsi éliminer toute concurrence. Comme signe de reconnaissance, la femme offre alors un baiser à celui qui s’était mis à genoux et lui avait montré sa loyauté, ce qui n’est pas sans rappeler l’hommage du vassal à son suzerain. Pour parfaire sa parade nuptiale, l’homme se poste sous le balcon de sa dulcinée en lui chantant une sérénade dédiée.
À l’époque de Louis XIV, la galanterie fait son entrée. Les mariages arrangés sont de plus en plus rares et la conquête amoureuse doit désormais redoubler d’imagination. Le pouvoir des mots ne pouvant être ignoré, les compliments en rimes deviennent une tactique imparable des relations épistolaires. Quant aux rendez-vous galants, ils se font souvent en fiacre, à l’abri des regards indiscrets. Casanova raconte d’ailleurs, dans ses écrits érotiques, qu’un trajet en voiture en compagnie d’une jolie demoiselle lui avait laissé « une marque non équivoque de l’ardeur qu’elle [lui] avait inspirée ».
Le XVIIIème siècle est marqué par la floraison des bals publics. L’Opéra est the place to be à Paris pour danser et qui sait, peut-être trouver son âme sœur. Plus tard, la valse fait tournoyer les couples et chavirer les cœurs. On sort vêtu de ses plus beaux gants pour l’occasion. L’élégance reste primordiale et de plus en plus à la portée de tous, notamment avec la démocratisation de la parfumerie. Pour ceux qui ne sont pas de la nuit, les petites annonces et les agences matrimoniales deviennent une aubaine et prennent rapidement de l’ampleur.
Le siècle dernier, l’avènement de la pilule et la légalisation de la contraception donne un nouveau tournant à l’histoire de la séduction. Les mœurs se libéralisent et autorisent chacune et chacun de faire leurs propres choix sentimentaux et sexuels. Dans les années 80, les jeunes discudansent sur des rythmes new wave et s’offrent des mixtapes en gage de leur amour. Le Bus Palladium ou encore les Bains Douche s’imposent comme les repaires de la drague à Paris.
De nos jours, la séduction n’a pas vraiment changé, si ce n’est que les mesures de distance et de temps ont été raccourcies. Les applications de rencontre, les moyens de communication ou encore les techniques de drague elles-mêmes, surfent sur la vague de l’instantanéité. Dans un monde qui va à mille à l’heure, prendre le temps de trouver l’amour ressemble à un souvenir lointain. Les poèmes sont tronqués pour finir en phrases d’accroche, comme le fameux « Hey mademoiselle, t’es charmante, ça te dit un thé à la menthe ? ». La symétrie est parfaite avec deux octosyllabes et une rime en ‑ante. On peut saluer l’effort, même s’il est plus ou moins récompensé par un succès.
Si le rythme s’accélère, peut-être découvrirons-nous un algorithme, dans le futur, qui s’adaptera selon la personnalité et le vécu de chacun et nous offrira la chance de rencontrer son âme sœur au moment opportun. Scientifiques, développeurs, à vos recherches ! On pourrait bien tenir ici le remède à la maladie d’amour.
La culture, un Paris d’enfants